En résolvant cette colle posée sur M@th en Ligne, PB, qui me fait l’honneur d’intervenir régulièrement sur ce blog, a mis en évidence une jolie propriété d’un triangle : on peut trouver trois points, un sur chaque côté du triangle, de manière telle que chaque point se projette sur le suivant orthogonalement au côté auquel celui-ci appartient. Ceci est illustré sur le dessin suivant.
Dans cette figure, se projette sur orthogonalement à , se projette sur orthogonalement à , etc. : l’ordre des côtés du triangle selon lequel se font les projections successives est l’ordre correspondant au sens trigonométrique, ce qu’on a manifesté en indiçant par « + » les points choisis. Par ailleurs, les triangles et sont semblables car ils ont leurs angles deux à deux à côtés perpendiculaires ; les noms des sommets ont été choisis de manière telle que les angles en des sommets désignés par la même lettre soient égaux.
Faute de mieux, un triangle, tel que , répondant aux conditions, sera dit auto-projetant.
Il y en a naturellement deux, à raison d’un par sens de rotation dans le plan du triangle . Ci-dessous, nous désignerons le second en indiçant ses sommets par « -« , avec la même convention relative à leurs noms. Il sera dit négatif par opposition au précédent que nous dirons être positif.
La preuve de l’existence et de l’unicité de ces triangles donnée par PB est remarquable d’élégance. Je l’exposerai ci-dessous. Comme elle est purement existentielle, je me suis naturellement demandé comment les construire. C’est une solution de ce problème que je vous convie à découvrir.
Comme d’habitude, j’y consacrerai plusieurs billets, afin de garder des articles de tailles raisonnables.
Existence et unicité : la méthode de PB
Afin de compter les triangles auto-projetant positifs, on considère la restriction à la droite de la composée de la projection orthogonale sur suivie de celle sur puis de celle sur . (Les notations sont celles de la figure ci-dessus.)
Clairement, les sommets appartenant à des triangles auto-projetants positifs sont les points fixes de . Nous allons voir qu’il n’y en a qu’un.
Les projections orthogonales étant des affinités, en est une aussi. De plus, la projection orthogonale d’une droite sur une autre multipliant les longueurs par le cosinus de l’angle entre les deux droites, transforme un segment de longueur de en un segment de longueur
Ainsi, n’est pas une isométrie(*). Il admet donc un point fixe, et un seul (sans quoi ce serait l’identité donc une isométrie). D’où la conclusion étant entendu que la même méthode s’applique aux triangles auto-projetant négatifs.
Les sommets des triangles auto-projetants
Je vais à présent donner les abscisses affines(**) des sommets des triangles auto-projetants calculées par rapport aux côtés auxquels ils appartiennent. Curieusement, elles sont plus simples à exprimer en ordonnant les sommets du triangle initial dans le sens opposé à celui choisi pour ordonner les projections orthogonales. Pour le triangle positif, on suit les sommets dans l’ordre et pour le triangle négatif, dans l’ordre .
Ci-dessous, désignent les longueurs des côtés du triangle opposés respectivement à et on pose(***)
ainsi que
Avec ces notations, les triangles auto-projetants de sont donnés par
(1)
et
(2)
Les vérifications sont faciles. Je ne vais pas les faire toutes explicitement, me limitant à observer que et sont perpendiculaires (on verra ainsi la cause du phénomène; les autres cas s’en déduisent du reste par symétrie). Il vient
en vertu du théorème de Pythagore (dit généralisé).
Première application
Les triangles et sont isométriques. Plus précisément, ils sont semblables au triangle et le rapport de similitude est le même pour les deux, à savoir
En effet, en appliquant le théorème de Pythagore au triangle rectangle , on obtient
et on trouverait la même valeur de en effectuant le calcul pour le triangle négatif.
Les relations (1) et (2) ont d’autres corollaires intéressants. Elles permettent par exemple de montrer que les six points appartiennent à un même cercle et d’en déduire une construction des triangles auto-projetants.
Cela vous sera présenté dans le billet suivant …
😉
__________
(*) Dans la preuve originale, PB arrivait, plus rapidement, à la conclusion que n’est pas une translation mais il pouvait se baser sur le fait que, dans l’exercice proposé, le triangle est acutangle, ce que nous ne supposons pas ici.
(**) L’abscisse affine d’un point par rapport au segment est l’unique nombre tel que
(***) La longueur ne jouera aucun rôle en soi mais j’aime conserver une certaine homogénéité aux formules.
Les triangles sont une source inépuisable de résultats 🙂
Je me pose la question suivante, sorte de généralisation : étant donnés deux triangles T et T’, combien peut-on inscrire dans T de triangles semblables à T’ ?
Bigre, quelle rapidité de réaction 😉
La question est intéressante! Les côtés de T’ donnent les directions des différentes projections. Il y a six composées possibles. Peut-être se rassemblent-elles en trois familles donnant génériquement (… ouvert dense …) trois solutions.
A méditer …
Je me suis planté : la similitude est à prendre au sens large de sorte que T’ ne privilégie aucune direction. A méditer …