Alors que je faisais une remarque à propos de la notion d’orientation d’un espace vectoriel sur le forum M@th en Ligne, un ami me faisais observer que celle-ci concerne les espaces vectoriels réels, ce que je n’avais pas précisé dans mon commentaire.
Ceci m’a aussitôt mis la puce à l’oreille : les espaces vectoriels sur ne seraient-ils pas naturellement orientés? Plus précisément, un espace vectoriel complexe
est aussi un espace vectoriel réel. Les opérations vectorielles de cet espace, que je noterai
, sont les mêmes que celles de
à ceci près que l’on restreint la multiplication par les scalaires aux nombres réels. Je me suis donc demandé si la présence d’une structure complexe sur
ne le munissait pas automatiquement d’une orientation.
La réponse est positive et la preuve en est aisée comme on va le voir. Elle repose sur une belle formule qu’il est utile de connaître(*).
La clé réside dans le fait que si est une base de
, alors
est une base de
, ce qu’il est immédiat de vérifier. Cela étant, si
est la matrice de passage entre des bases
et
de
, alors celle permettant de passer de
à
est
(1)
Or il se fait que
En particulier, le déterminant de la matrice (1) est positif. Les bases appartiennent donc à la même orientation de
qui se voit ainsi naturellement orienté grâce à la structure complexe provenant de
.
P.S. (Ce qui suit résulte des commentaires faits sur ce billet, dont je remercie les auteurs.) Pour orienter , nous pourrions utiliser
plutôt que
, c’est-à-dire considérer les bases
à la place des bases . Lorsque
est impair, les deux orientations obtenues sont opposées. Par contre, lorsque
est pair, elles coïncident. En conséquence, on peut véritablement parler d’orientation canonique de
lorsque
est de dimension paire tandis que, en dimension impaire, ce que j’appelle orientation naturelle plus haut est en réalité tributaire du choix de la racine carrée de -1 qu’on convient de désigner par
. P.L. 31/05/2012
__________
(*) Avant qu’un ami ne m’en fasse la remarque, je précise que les espaces vectoriels considérés ici sont de dimension finie. 😉
… Naturellement orienté si le corps
des nombres complexes est fourni avec une racine carrée de
(notée
). J’ai l’impression que
n’appartient pas à la catégorie des corps mais à la catégorie des *corps muni d’une racine carrée de
*. Désolé pour le pinaillage facile 🙂
Je ne pense pas un instant que tu pinailles mais je ne suis pas non plus certain de te suivre.
En ce qui me concerne, j’utilise une définition de
— très terre à terre, je le reconnais — dans laquelle il n’y a aucune ambiguïté sur ce qu’est
. En l’occurrence,
muni des opérations connues. En particulier,
.
En second lieu, si une structure de
-espace vectoriel est donnée sur
, alors
est parfaitement déterminé (sans quoi la structure ne l’est pas). Sur
elle est déterminée sans ambiguïté : c’est une application
-linéaire
telle que
.
C’est cette dernière réflexion qui emporte ma conviction mais, finalement, elle rejoint la tienne, en ce sens que
est un isomorphisme de corps.
Très fine ta remarque!
🙂
Ok, donc tu utilises bien une définition de
qui en fait un tout petit peu plus qu’un corps : un corps muni d’un élément particulier. Je te rassure : tout le monde fait ainsi 😉
Pour voir si j’ai bien compris : en définissant
comme la clôture algébrique de
, on sait que -1 a deux racines carrées mais elles sont « indiscernables » de même que le sont généralement les deux orientations possibles d’un espace vectoriel. Au fond, mon billet est erroné d’une certaine façon.
Autrement dit, si E est un C-espace vectoriel de dimension n, il y a une bijection canonique entre les racines carrées de -1 et les orientations de E.
C’est effectivement à cette conclusion que nous arrivons!
Merci de l’avoir formulé si clairement.
🙂
Oups, désolé, mon message précédent est erroné. J’aurais dû dire que si E est un C-espace vectoriel de dimension n, il y a une APPLICATION canonique (bijective ssi n est impair) entre les racines carrées de -1 et les orientations de E.
Glups! Quelque chose m’échappe? Je n’ai pas approfondi le caractère bijectif — je pensais que c’était évident. Autrement dit, si n est pair, les deux racines carrées de -1 donnent la même orientation (qui est alors pleinement canonique), c’est cela? Sans réfléchir je ne vois pas directement pourquoi.
A mais si, c’est même évident, il suffit d’écrire la matrice de passage entre les bases
relatives aux deux racines carrées. En dimension paire, son déterminant est positif!
Si je comprends bien,
est plus canoniquement orienté que
🙂
Je trouve l’existence de cette orientation « absolue » des espaces de dimension paire intrigante!
Qu’est-ce qu’une orientation de
ou de
?
C’est une orientation des espaces vectoriels réels associés. Naturellement, ici, c’est trivial : il s’agit de
et de
.