Voici une modeste suite à cet article. Je ne pensais pas qu’elle viendrait si rapidement. Elle va dans le sens de ce que j’écrivais dans les dernières lignes du billet sans pour autant épuiser complètement le sujet, me semble-t-il. Disons que c’est un premier pas dans dans la direction que je souhaite suivre. Il n’y en aura peut-être pas d’autre car ces questions de nature topologique sont assez délicates, du moins pour moi.
Je conserve ici les notations de l’article cité, auquel je vous réfère pour les détails. En plus, pour alléger l’écriture nous conviendrons de désigner par l’ensemble des éléments non nuls de tout espace vectoriel
.
Pour rappel, nous avons vu que des éléments de l’espace vectoriel
sont linéairement dépendants et sont liés par la relation linéaire
si, et seulement si, le produit des quaternions
et
est réel.
Nous allons étudier ici le produit de quaternions comme une application différentiable de
dans
et, tout naturellement, nous intéresser plus particulièrement à la structure de la pré-image de l’ensemble des quaternions réels par cette application.
Comme nous allons le voir, est singulier en
. Par contre, sa restriction
à
est une submersion surjective. C’est donc plutôt la pré-image de
par cette restriction que nous allons étudier. Nous constaterons que c’est une variété différentiable ayant une structure assez simple.
L’application linéaire tangente de
Soient et un vecteur tangent
. La dérivée de
dans la direction de
est donnée par
D’après cette formule, si est nul, alors
tandis que si
n’est pas nul, alors
est surjectif. Par conséquent, l’application
est singulière à l’origine. De plus, comme
est un ouvert de
, les applications linéaires tangentes à
et à
en chaque
coïncident. L’application
, qui est par ailleurs visiblement surjective, est donc une submersion.
La variété
L’ensemble
est une variété plongée de
de dimension cinq.
D’après le théorème de transversalité pour les sous-variétés, il résulte en effet de ce qui précède que est une variété plongée de
et qu’en plus, son espace tangent en
est la pré-image par
de l’espace tangent à
en
. Ce dernier s’identifie à
. Par conséquent,
De là, . En effet, si
n’est pas nul, alors
est l’image de l’application linéaire
et si n’est pas nul, c’est celle de
On conclut en notant que ces deux applications sont injectives.
Les fibres de
Par définition, il s’agit des ensembles . Il est évident que si
n’est pas nul, alors
et que
Voici deux conséquences de ceci. La première est immédiate.
L’application
est un difféomorphisme de
sur l’ouvert
de
.
Ensuite
L’application
n’est pas un fibré localement trivial.
En effet, si c’était un tel fibré alors il serait trivialisable car est contractile.
Mais alors, toutes ses fibres seraient homéomorphes. Or les fibres , sont connexes (elles sont homéomorphes à
) alors que
ne l’est pas(*).
Conclusions
Nous y voyons à présent un peu plus clair sur les couples d’éléments linéairement dépendants de et les relations linéaires qui les lient. Comme on l’a vu dans le billet cité au début de cet article, ces données sont encodées dans
.
Ce qui précède montre que cet espace topologique admet une stratification naturelle, de même que :
Contrairement à ,
n’est pas une variété plongée dans
car c’est en fait un cône, de sommet
.
Quant à , il s’en est fallu de peu que ce soit un fibré localement trivial. C’est la faute à la fibre particulière
qui n’a pas le bon goût d’être difféomorphe aux autres. Par contre, celles-ci s’entendent bien entre elles : le fibré
admet une trivialisation globale canonique.
__________
(*) Si est un espace vectoriel de dimension finie, alors
n’est pas connexe pour la topologie induite par
. En effet, les deux fermés
et
partitionnent
.