Ce fil du forum « M@TH en Ligne » est à l’origine du présent billet. On y propose de prouver que si sont les angles d’un triangle, alors
Un participant du forum affirmait savoir le faire, et c’est sans doute aucun le cas, mais il n’a pas donné sa démonstration.
L’inégalité m’a interpellé et j’ai immédiatement songé à la relation des sinus (les notations sont classiques)
qui transforme l’inégalité proposée en celle-ci, qui lui est équivalente :
(
)
pensant que cela mènerait à une piste fertile.
Cela ne m’avait cependant conduit à rien et j’avais rapidement délaissé la question. Il y a quelques jours, je suis tombé à nouveau sur ce problème et je me suis résolu à lui faire la peau, coûte que coûte.
Je présente ci-dessous la démonstration que j’ai enfin obtenue.
Il s’agit donc de vérifier que
(1)
où est l’ouvert de
Notons le plan de
d’équation cartésienne
.
Les propositions (1) et
(2)
sont équivalentes.
En effet, d’une part, (1) implique (2) puisque . Supposons d’autre part que (2) soit vrai. Soit alors
. On a
et
Ainsi, (2) implique (1).
On peut reformuler cette équivalence en disant que l’inégalité () est vraie pour tous les triangles si, et seulement si, elle l’est pour les tous les triangles dont le périmètre vaut 1.
Reformulation
Nous allons montrer que(*)
Les propositions (2) et
(3)
sont équivalentes.
On démontre cela à l’aide de l’application
C’est une bijection linéaire. Elle s’inverse en
Il est facile de voir que si , alors
de sorte que
On vérifie également facilement que
et, enfin, que
ce qui termine la preuve de l’équivalence de (2) et (3).
Un résultat
Notons le premier octant ouvert
de
et
l’application
J’affirme que
a)
, borne atteinte si, et seulement si,
b)
, borne atteinte si, et seulement si,
est un des sommets du cube
n’appartenant pas à la droite d’équations
La fonction étant continue, ses bornes inférieure et supérieure sur le compact
sont réalisées.
Cela étant, le produit des nombres vaut 1. D’après l’inégalité entre moyennes géométrique et arithmétique, leur somme est supérieure ou égale à 3 et vaut 3 si, et seulement si,
. D’où a).
Voici alors une preuve de b). Les dérivées partielles de sont
Les zéros de ces dérivées sont les points de situés sur la droite
d’équations
. Ceux qui appartiennent au cube
sont les points de la diagonale qui joint les sommets
et
. Comme
vaut 3 sur ces points, il résulte de ceci que le maximum de
sur ce cube n’est pas atteint à l’intérieur de celui-ci mais bien sur sa frontière.
En fait, la restriction de à un plan perpendiculaire à un axe de coordonnées ne possède qu’un point stationnaire, à savoir le point de percée de la droite
dans ce plan, en lequel
. En conséquence, le maximum de
sur le cube
n’est pas atteint non plus en un point de l’intérieur relatif d’une de ses faces mais bien sur une de ses arêtes.
Vu la symétrie circulaire de en ses arguments, il suffit de vérifier cela pour les plans perpendiculaires à l’axe des
coupant
. Fixons donc
dans
. Les dérivées partielles de l’application
s’annulent en le seul point
. En effet,
si, et seulement si,
et
si, et seulement si,
. Donc, si les dérivées partielles de cette application s’annulent en
, alors
, puis
comme annoncé.
Pour poursuivre, nous allons baptiser les sommets du cube comme suggéré par le dessin suivant
Les coordonnées des sommets sont reprises dans le tableau suivant, dans lequel on a indiqué les valeurs que prend en ces points.
La diagonale du cube est l’ensemble des points en lesquels
y atteint son minimum.
Cela étant
Les restrictions de
à chaque arête du cube sont des fonctions strictement convexes.
Ces restrictions sont toutes des applications de la forme où les nombres
sont strictement positifs. En effet, sur une arête, deux des coordonnées
sont fixées à
ou à
. Par exemple, sur
,
,
et la restriction de
est l’application
. Il y a en tout quatre fonctions qui apparaissent. En voici l’allure. Les couleurs des tracés correspondent à celles des arêtes du cube représenté ci-dessus.
Les minima des restrictions aux arêtes bleues et rouges sont atteints en et valent respectivement
et
. Le nombre
est aussi l’abscisse du point de croisement des courbes orange et verte.
Cela étant, les restrictions de sont donc strictement convexes puisque la dérivée seconde
de
est strictement positive.
Ainsi, la meilleure borne supérieure de la restriction de au cube
est
et est atteinte en les sommets
: b) est prouvé.
Mais aussi (3) puisque est l’intérieur relatif du triangle
. Du coup, nous avons démontré
et résolu le problème posé dans le fil de discussion du forum « M@TH en Ligne » mentionné au tout début de ce billet. Vu a), nous avons également établi que, pour tout triangle de côtés
,
l’égalité ayant lieu exactement pour les triangles équilatéraux.
__________
(*) Je précise les notations : est le cube
.